Il y a plus de cinquante ans une poignée de sculpteurs et céramistes s’installaient à La Borne, village de potiers de tradition séculaire dont l’activité périclitait. Ils avaient la passion de la terre et redécouvraient la cuisson au bois. Ils allaient redonner à La Borne un sang neuf, attirer des générations de céramistes et potiers, créer de nouveaux fours, de nouveaux modes de cuisson, et une grande variété de styles.
Vu d’une optique étrangère en style documentaire cinéma vérité, La Borne et ses artistes sont impressionnants. La poterie traditionnelle avait connu le déclin, concurrencée par d’autres matériaux ou ne correspondant plus aux goûts de la population. Grâce aux générations qui se sont succédé de 1941 à nos jours, La Borne s’est consolidé comme un haut-lieu de la céramique française. Sa façon de vivre et sa démarche créative s’en trouvent intimement liées, sur la base d’une méditation globale faite d’intuition, de concentration et de travail physique.
Le film donne la parole aux céramistes, mais l’ensemble des images laisse la parole à la préparation du grès et aux coups de flamme : ce mode d’élaboration lent, au résultat incertain, est le seul cependant qui puisse personnaliser aussi puissamment l’épiderme de ses terres brutes ou lestement émaillées en noir, gris ou blanc.
Cendres et braises se propagent donc sur les pièces pour donner une coloration à la terre, cuite préférablement brute, ou a peine engobée. Qu’il s’agisse de grès nu flammé, ou bien de glaçures au sel et à la cendre, le fait de devoir passer par plus de 72 heures de cuisson, comme autrefois, ne parait pas ridicule aujourd’hui à La Borne.
Des artistes internationaux trouvent généralement à se fixer à La Borne, ouvertement voué à la création indépendante et expérimentale. Certains vivent là depuis plus de trente ans et travaillent avec leur « réseaux » d’amateurs éclairés, d’autres viennent d’arriver et s’intègrent facilement dans le milieu des marchés potiers.
La Borne est aujourd’hui synonyme d’un comportement et d’une position très engagée vis-à-vis d’un matériau et de sa transformation par le feu, une façon de vivre le quotidien qui incline à un certain individualisme et favorise simultanément une prise de conscience de l’importance des valeurs associatives de solidarité et d’échange, d’accueil et d’ouverture.
Le regard du cinéaste d’outre mer tente de mesurer un patrimoine français de trois cents ans bien estimée dans le monde entier d’un mixage d’exotisme et de tradition. L’histoire des artistes irrépressibles du Haut-Berry – malgré les risques artistiques, techniques et économiques qu’ils subissent – inspirent. Alors que les autres villages potiers en France disparaissent, La Borne continue de connaître le renouveau.